Retour sur le séminaire DHEPS-REPS

Nos sociétés se sont construites depuis environ deux siècles, à partir de la révolution libérale, autour des figures centrales de l’entreprise privée et du marché abstrait. Celles-ci ont engendré une logique générale d’organisation des activités humaines qui combine entreprise capitaliste, travail salarié et consommation marchande. Le travail au sens anthropologique du terme est rabattu par cette logique sur l’emploi comme condition d’un revenu par le salaire, tandis que la marchandisation se généralise à toutes les dimensions de l’existence. Nous sommes dans cette logique réduits au statut de salariés-consommateurs en relation avec des entreprises orientées essentiellement vers le profit dans un cadre de concurrence généralisée.

L’objet du séminaire sera d’explorer d’autres manières possibles de penser l’activité sur les territoires, à partir de trois entrées :

  • Le travail, l’emploi, le bénévolat, l’activité pour soi : dans quelle mesure peut-on relativiser le travail-emploi, articuler différents types d’activités tout en veillant à ne pas renforcer les inégalités, prendre en compte différentes dimensions du lien social ignorées ou dévalorisées par le lien marchand-capitaliste (solidarité, convivialité, épanouissement…), éventuellement découpler emploi et revenu (idée de revenu universel garanti) ?
  • La consommation : dans quelle mesure peut-on dépasser le statut de consommateur sur un marché concurrentiel cherchant uniquement à maximiser le rapport coûts/avantages, pouvant s’inscrire selon des orientations coopératives, participatives et solidaires dans la vie de certaines entreprises ?
  • L’entreprendre : comment penser l’activité d’entreprendre en un sens large et enrichi par rapport à la conception dominante du modèle capitaliste, appréhender l’entreprise en tant que dynamique collective ancrée sur un territoire et prenant en compte les différentes parties prenantes concernées ?

Introduction par Yves Bonny, sociologue.

Ce séminaire consiste à considérer « l’activité sur les territoires » à partir de trois entrées. Ces trois entrées sont liées entre elles d’une certaine façon dans le cadre du modèle économique libéral dominant. Ce modèle renvoie à une certaine conception du lien social, qui est bien plus qu’une simple représentation, une manière de structurer ce qu’en sociologie on appelle les rapports sociaux, qui est tout sauf naturelle ou évidente et qui est extrêmement récente.

Je vous propose donc en introduction un regard sociologique et historique sur cette conception du lien social issue de la révolution libérale-capitaliste. L’objet du séminaire est en effet d’ouvrir notre réflexion sur d’autres conceptions de l’activité sur les territoires renvoyant à d’autres conceptions du lien social, fréquemment caricaturées en vue de les discréditer par les tenants du libéralisme (ex : la décroissance présentée comme retour à la « lampe à huile » ; la solidarité à différentes échelles présentée comme protectionnisme ou monopole et rupture d’équité par rapport à la régulation naturelle par le marché).

Du point de vue sociologique, l’économie libérale, dite aussi économie « de marché », est une construction sociale et historique, qui renvoie à un ensemble de transformations dans les institutions de base des rapports sociaux, transformations impulsées par la bourgeoisie, inscrites dans la loi et imposées d’abord par les États à l’intérieur des frontières nationales au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle, puis par les principales puissances économiques et politiques à l’échelle planétaire à la fin du XXe siècle (globalisation néolibérale).

Chez les Grecs, deux termes distincts désignent les activités économiques : l’oikonomia désigne l’administration des biens de la « maisonnée », tandis que la chrématistique désigne les échanges avec les étrangers.

La révolution libérale généralise à toute la société, sur la base de la valeur « liberté » assimilée à l’indépendance individuelle, les liens entre étrangers : elle « libère » chacun à l’égard des interdépendances issues de la tradition et de la religion, et remplace ces interdépendances-là par celles qui sont liées à la régulation par le « marché », au sens abstrait du terme, soit un espace de libre circulation (des biens, des services, des moyens de production, des personnes, du capital).

On passe d’un type de lien social fondé sur l’appartenance à un collectif à un type de lien social fondé sur l’idée d’indépendance individuelle. Les nouveaux fondements sont les suivants :

  • La propriété privée, base de l’indépendance, y compris pour ceux qui n’ont rien d’autre que ce que Marx va appeler leur « force de travail » : ils sont propriétaires d’eux-mêmes, dès lors que l’esclavage est aboli, de même que le servage médiéval ;
  • Le marché comme espace abstrait où les propriétaires échangent par offre et demande ce dont ils sont propriétaires ;
  • La régulation marchande comme « libre concurrence » des propriétaires et comme « opportunités » ;
  • le contrat inter-individuel comme forme juridique marquant l’accord de deux volontés individuelles à propos de l’échange ;
  • l’intérêt comme motivation de l’échange et comme boîte noire résultant d’un calcul supposé coûts/avantages ; l’effort, le mérite, l’anticipation, la saisie des « opportunités » comme autres types de mesures de la valeur individuelle ;
  • la responsabilité personnelle comme obligation issue des accords contractuels ;
  • le prix comme résultat du jeu de l’offre et de la demande.

Dans un tel cadre, la fonction principale de la puissance publique, de l’État, est de mettre en forme la société conformément à ces fondements, d’imposer la régulation par la propriété privée et le marché et le respect des engagements contractuels qui peut être présenté comme un État « veilleur de nuit » et un État minimal.

Dans une telle logique, le travail est lui-même conçu comme une « marchandise » offerte sur un marché, le marché du travail, et achetée par un « salaire ». Au début du XIXe siècle, le prolétariat regroupe l’ensemble des ouvriers qui n’ont rien d’autre à vendre que leur « force de travail », et le salaire est la rétribution à la journée de cela, sans aucune protection d’aucune sorte (ni contrat de travail plus durable, ni droit du travail, ni protection sociale face à la maladie, l’accident du travail, le chômage, la vieillesse). Au fil de l’histoire et des interventions de l’État, le salariat va être associé à un ensemble de droits, de protection, de formes élargies de participation à la vie sociale, notamment par la consommation et les congés payés, mais la base de l’organisation sociale reste le marché du travail.

Au salaire répond le « profit » pour l’entrepreneur. L’équation de base du capitalisme posée par Marx : soit l’accumulation indéfinie du profit.

Il est important de souligner que cette logique « libère » à l’égard des liens sociaux traditionnels, notamment à l’égard du contrôle social exercé par le collectif sur chacun, à l’égard des coutumes, des obligations religieuses, etc., dès lors du moins que l’on a les moyens de choisir (son emploi, son entreprise, sa consommation, etc.).

Mais cette logique d’organisation sociale reposant sur la centralité du marché abstrait met au centre un type de lien social où chacun est posé comme indépendant d’autrui et relié à autrui essentiellement par la régulation marchande, posée comme naturelle par l’idéologie libérale puis néolibérale. Les rapports économiques dominants mettent en présence des « entreprises privées », dont les « auto-entrepreneurs », engagés dans une « libre concurrence » sur le « marché ». L’activité humaine se condense principalement dans l’entreprise, dans le travail, lui-même pensé comme emploi salarié, qui en est la forme juridique aujourd’hui dominante, et dans la « consommation » des biens et services vendus sur le marché.

La consommation est prise elle-même dans cette logique, mais pas seulement. En effet, l’on peut distinguer trois types de « valeur » : la valeur d’usage, la valeur d’échange, et la « valeur-signe », qui renvoie à une autre logique prégnante en matière de lien social, celle de la distinction, celle de la réputation, celle aussi de l’envie, du désir, qui vont être attisée par la mode, le marketing, etc., et déboucher sur la surconsommation.

Cela donne une conception réductrice de l’activité et une conception appauvrie du lien social. Dans une telle perspective, le « territoire » n’a aucune valeur et potentiellement aucune légitimité, qu’il s’agisse du territoire concret où les personnes vivent, se rencontrent, tissent des liens de proximité de différentes natures, du territoire au sens des écosystèmes et de leur surexploitation, sauf à les inscrire dans la régulation marchande pour leur affecter un « coût » comme le marché du carbone ou le marché des déchets, ou du territoire abstrait des institutions politiques partagées, et en particulier le territoire national que partagent les citoyens d’un État, qui impose des règles et des limitations à la régulation marchande-capitaliste.


L’objet du séminaire est à la fois de prendre conscience de l’emprise de cette conception du lien social et d’ouvrir des perspectives sur la base d’autres manières de le concevoir et de concevoir l’activité sur les territoires.

Penser l’activité de façon élargie par rapport au seul travail salarié, sous l’angle des liens tissés, de la convivialité, de la solidarité, de la reconnaissance de chacun à travers des « fabriques de territoire » à l’échelle d’un quartier. Avec deux modèles de dépassement de la situation actuelle sur lesquels nous serons amenés à réfléchir : celui d’un au-delà du travail avec le revenu universel ou celui du travail pour tous et d’un au-delà du chômage avec les entreprises à but d’emploi.

Penser la consommation autrement que sous l’angle de la seule régulation marchande, et en particulier à travers des formes de participation autres que comme purs et simples « consommateurs », en tant qu’adhérents d’une coopérative, en tant que citoyens solidaires, etc.

Penser l’entreprise autrement que dans un cadre de mise en concurrence généralisée et penser le statut d’entrepreneur autrement que sous l’angle de l’auto-entrepreneur indépendant et isolé, tel que tentent de le promouvoir les entreprises de type Uber afin de se libérer des obligations nées du droit du travail et de la protection sociale.

Réinventer l’oikonomia, mais dans un horizon post-traditionnel recueillant l’héritage de l’émancipation moderne à l’égard des traditions, de la religion, du contrôle social rigide par le collectif.  Repenser le nomos, le commun, ce que nous avons en partage, qui nous lie, nous permet d’être reconnus, mais aussi qui nous oblige (l’aidos des Grecs).

•• La COHUE ••

Présentée par Camille HUET •••

La Cohue est un tiers-lieu de services de proximité à destination des habitants des quartiers nord de Rennes et des entreprises, associations et collectivités du territoire.

Lieu de vie, de services de proximité mais aussi espace d’accès à l’emploi.

https://www.la-cohue.fr

Les premières réflexions datent de 2015. Camille HUET était alors chargée de mission politique emploi sur la métropole. Il s’agissait de réfléchir sur un nouveau mode de création du lien social et de nouvelles solidarités sur le quartier, en lien avec l’activité, à travers le programme de rénovation.

Très vite, le constat a été réalisé qu’il n’y avait pas d’espace où se re trouver physiquement.

Des études ont été réalisées : comité d’effervescence mis en place en 2015, une étude d’opportunité, de faisabilité….

Et a émergé l(idée de créer un outil partagé :

  • Encourager les initiatives citoyennes et leur donner du pouvoir d’agir
  • Développer des activités répondant aux besoins du territoire
  • Proposer de l’activité pour les habitants du quartier.

La cohue est une agora, un incubateur et une régie de quartier qui a initié une nouvelle relation avec les habitants. Il s’agit d’un outil agile et moins institutionnalisé, en complémentarité de l’existant.

L’agora est un espace d’accueil, valorisation des habitants avec une programmation faite par et pour les habitants.

L’incubateur participe au développement économique et social par le portage de projet.

La régie de proximité permet la création d’emploi.

La cohue est un acteur économique innovant au service du territoire qui relie les besoins sur le territoire et les solutions économiques adaptées et locales.

Sa gouvernance est partagée et s’est appuyée, dès le départ, sur l’idée d’être une SCIC dans un quartier politique de la ville et d’impliquer l’ensemble des parties prenantes.


Conférence sur le revenu universel :

Cécile Flammant, mouvement français pour un revenu universel.

Pour le MFRB, le revenu universel est « un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement. »

« Le revenu de base doit :

• lutter efficacement contre la misère et la précarité.

•renforcer la solidarité.

•contribuer à une société inclusive.

•faciliter l’accès a l’emploi en partageant le temps de travail.

•compléter et améliorer la protection sociale existante. »

Il existe 4 grandes familles de penser le revenu de base :

  • Impôt négatif = proposition néo libérale : le revenu est insuffisant et donné seulement aux plus démunis. Il est financé pas un impôt proportionnel, une « flag tax ».  Sa finalité est de réduire l’extrême pauvreté et de simplifier le système
  • Allocation universelle : la flexisécurité. Elle est financée par un impôt proportionnel. Tout le monde reçoit l’allocation. 
  • Revenu social garanti : pour une justice sociale. Il est financé par un  impôt progressif.  On est sur l’idée d’encourager les initiatives mais pas forcément dans l’hégémonie de l’emploi.
  • Revenu de transition : sortir du capitalisme. Il s’agit d’une catégorie très hétérogène. Il est financé par un impôt très progressif et vise à taxer à 100% les revenus les plus élevés. Il met en exergue la contradiction entre le financement du revenu de base et sa finalité au fur et à mesure qu’on avance dans l’idée de la sortie du capitalisme. Il s’agit d’un revenu de base transitoire.

Deux projets de société sont mis en avant :

  • la décroissance (la Dotation Inconditionnelle d’Autonomie) ave l’idée de relocaliser l’économie, de développer les monnaies locales et de reverser en nature ou en monnaie locale..
  •  le salaire à vie (B. Friot) : il s’agit d’une conversion du regard sur le système de pensée capitaliste. Il est contre l’idée du revenu de base car nous sommes des producteurs et il faut instaurer un statut politique de producteur avec un salaire à vie. A 18 ans, on obtient une qualification nous permettant de produire et d’être maitre de la finalité de production.

•••Le QUADRI.•

Village urbain d’innovation sociale et solidaire

Il s’agit d’un nouvel espace économique ouvert sur le quartier du Blosne et plus généralement sur la ville de Rennes dont l’ambition est de jouer un rôle d’espace de proximité économique et sociale, ouvert aux habitants du quartier : entre lieu de vie et espace de travail…

http://lequadri.fr/

présenté par Haud LEGUEN de RESO SOLIDAIRE :

RÉSO solidaire est une association loi 1901 créée en mars 2009. Ses membres sont des associations, des coopératives, des mutuelles, des collectivités et des individus qui œuvrent pour le développement d’une économie sociale et solidaire en Pays de Rennes.
Les missions du pôle – Déterminer des stratégies de développement pour le secteur de l’ESS et pour le territoire.
– Donner de la visibilité sur l’activité des acteurs de l’ESS,
– Soutenir la création et le développement d’activités et d’entreprises de l’ESS,
– Favoriser le développement de projets partenariaux innovants,
– Organiser la représentation des acteurs de l’ESS sur le territoire.

http://www.resosolidaire.fr

Le Quadri est  issu d’ateliers de concertation du Blosne. Dans cette consultation, des habitants sont allés voir dans d’autres pays et ont ramené des idées (notamment de  Berlin).

Petit à petit, a émergé une réponse à un besoin partagé par des habitants sur le fait qu’il y a peu d’entreprises et d’emplois dans le quartier. Réso solidaire a été mobilisé par la coopérative de construction et est allé chercher des entreprises pour créer un collectif au sein du quartier

Le bâtiment privé est acheté par 4 financeurs et loué par 60 structures qui rembourseront l’emprunt petit à petit. IL existe aussi des investissements collectifs dans les bâtiments.

Les quadri acteurs sont des locataires ou propriétaires habitant d’un lieu commun et acteurs d’un collectif

Le Quadri mag a été créé pour poser l’histoire de ce collectif.

La gouvernance et le mode de gestion sont également collectifs autour d’un rassemblement mensuel et la définition de thématiques de travail :

  • GT gestion : économie du quadri
  • GT communication : conciergerie médiatique
  • GT territoire : lien avec le quartier et programmation/convivialité
  • GT rez-de-chaussée pour les commerces
  • GT aménagement : ré emploi privilégié
  • GT environnement : sensibilisation à de nouvelles pratiques telles que le numérique responsable.

Le territoire zéro chômeur du Blosne :

Présenté par Lucile CHRISTIEN , CCAS de Rennes

Le projet en France porté par ATD Quart Monde depuis 2005 environ.

Les principes :

  • Personne n’est inemployable pourvu qu’on adapte le travail
  • Le travail ne manque pas ; c’est l’emploi qui manque.
  • Ce n’est pas l’argent qui manque : le chômage de longue durée engendre des dépenses et manques à gagner pour l’Etat et les collectivités.

Dans la constitution : chacun a le droit à obtenir un emploi. Le Territoire Zéro Chômeur (TZC) vise à rendre ce principe effectif.

  • Principe d’exhaustivité : Toute personne privée durablement d’emploi volontaire du territoire est potentiellement concernée
  • Principe d’embauche sans sélection : Pas de libre concurrence entre les personnes.
  • CDI à temps choisi.
  • Emploi-formation disponible.
  • Supplémentarité de l’emploi = créer des emplois en +
  • Expérimentation locale avec marge de manœuvre du territoire.

Rennes s’inscrit dans la seconde vague d’expérimentation.

La méthodologie :

  • Mobilisation d’une équipe projet, création d’un comité local d’emploi, rencontre de personnes privées d’emploi et recueil des compétences, identification des besoins du territoire, ouverture d’une entreprise à but d’emploi (EBE), dépôt de dossier à l’échelle nationale et habilitation. En cinq ans, le droit à l’emploi doit être effectif sur le territoire.

A Rennes, 2 ans de préparation avant le dépôt du dossier d’habilitation.

Mesure de la privation: il faut être privé d’emploi depuis plus d’un an et habiter sur le territoire depuis au moins  6 mois. La privation d’emploi est un sentiment. C’est une notion volontairement floue : chaque territoire donne sa propre définition.

Dans une EBE, 20 à 25% de personnes sont en situation de handicap.

La notion d’exhaustivité se calcule par rapport au nombre de volontaires. Il faut estimer combien d’emplois sont à créer en 5 ans.

•L’HOTEL PASTEUR••

Présenté par Lise BUISSON

Des projets hébergés temporairement « de 3 heures à 3 mois » sur un modèle contributif qui prévaut encore aujourd’hui. Des projets multidisciplinaires (art, sciences, économie, action sociale, sport, santé) y trouvent un quartier général gratuit, à condition de respecter les lieux et de participer à son fonctionnement. L’objectif ? « Offrir un lieu d’échanges, de croisement entre ses occupants, pour que les projets puissent se découvrir les uns les autres dans une démarche innovante ». En résumé selon les mots de Gwenola Drillet, la coordinatrice de l’Hôtel Pasteur « c’est un lieu de partage, de savoir-être et de savoir-faire ». Et pour que votre projet soit accueilli à Pasteur, rien de plus simple, il suffit de frapper à la porte de la conciergerie, comme à l’hôtel…

http://www.hotelpasteur.fr/

Pour repenser l’avenir de l’ancienne faculté des sciences de Rennes, deux architectes (Patrick Bouchain – Sophie Ricard) ont ouvert une université foraine aux habitants avec la méthode de la permanence architecturale : ouvrir le lieu aux besoins et aux des habitants, droit à l’erreur, droit à expérimenter, faire autrement sur un temps donné avant d’essaimer ailleurs.

Cet espace accueille sur un temps éphémère tous les champs disciplinaires, toutes les personnes pour permettre l’expérimentation et l’hybridation des usages entre 3 heures et 3 mois pour un renouvellement permanent et éviter l’entre soi. Il y a une réciprocité dans à cet accueil :  économie circulaire, participation avec du temps, transmission d’un savoir-faire et tous les mercredis, l’entretien collectif du lieu. Cette réciprocité est valorisée comme une économie mais aussi politiquement.

C’est le lieu du faire, dans un autre cadre, dans une autre logique : pas de réservation, pas de consumérisme.

Le chantier de l’hôtel Pasteur :

Le chantier est resté un alibi pour permettre la rencontre, la transmission et l’insertion. En cela il a été conçu comme un chantier Ouvert accueillant des temps forts pour célébrer les savoir-faire du bâtiment, des chantiers écoles avec des sujets d’applications pour les écoles et organismes de formation du territoire et un chantier de remobilisation pour des personnes éloignées de l’emploi.

L’exemple de Permis de Construire :

Certains acteurs du champs social se sont rencontrés à l’hôtel Pasteur avec leurs publics et se sont rendus compte qu’ils ne se rencontraient pas autour des personnes. Ils ont eu l’idée de repenser leur action afin d’éviter de travailler en silo. Est né « permis de construire » porté par les Compagnons bâtisseurs, Breizh Insertion Sport, et le Centre hospitalier Guillaume Régnier (EMPP ) , le CCAS, Les Petits Debrouillards…..

Ils ont travaillé sur un chantier de remobilisation pour retrouver l’envie, permettant de remobiliser le corps par le biais d’activités physiques, de réactiver des savoirs via des ateliers techniques et scientifiques (petits débrouillards), d’avoir des temps dédiés à la santé mentale via des groupes de paroles, de déjeuner ensemble, etc… Et ils ont ainsi actionner les en leviers du pouvoir d’agir.

La rencontre :

L’hôtel Pasteur fonctionne sur la rencontre. Il y a un entretien quand une personne arrive mais pas de dossier. Les relations et le fonctionnement se basent sur la confiance. Transmettre l’histoire et les valeurs du lieu permet le sentiment de légitimité. On n’est pas là pour juger mais pour permettre que cela advienne. Il s’agit de semer des graines sans accompagner, de simplement faciliter.

C’est un tiers lieu au sens de lieu de commun et de re politisation par le faire (d’après la définition de tiers-lieu proposé par le chercheur Antoine Burret ).  Il peut y avoir des débats mais ce n’est pas le premier objet 

Ici, c’est le faire dans le sens de « œuvrer » ensemble, expérimenter sans épuiser l’objet consommé.

Il s’agit de retrouver du bon sens dans la norme dans une société du tout juridique. Ici on accepte d’encourir des risques avec bon sens.

Table ronde sur la thématique de l’activité sur les territoires, au-delà de l’entreprise capitaliste

Les invités :

Laurent PRIEUR :

Entrepreneur coopératif à l’initiative de nombreux projets sur le territoire de Rennes.

ESS cargo : Marie BAUDUIN

L’association ESS CARGO & CIE vise à animer un tiers lieu et une dynamique collective pour créer des ponts entre l’Université et le quartier de Villejean afin de construire un monde plus juste et plus écologique grâce au faire et réfléchir ensemble.

https://esscargo.fr/

ELAN CREATEUR : Isabelle AMAUGER

Élan créateur est une coopérative d’activités et d’emploi qui soutient le développement d’activités et invente une nouvelle forme d’entrepreneuriat collectif.

https://elancreateur.coop/

Sandrine ROSPABE :

Enseignante chercheureen Sciences Economiques à l’Université de Rennes. Ses thèmes de recherche portent sur l’économie sociale et solidaire, plus précisément sur les dynamiques coopératives, la démocratie, l’éducation populaire et la jeunesse. Depuis quelques années, elle travaille sur des projets de recherche participative, en lien notamment avec des coopératives d’éducation à l’entrepreneuriat collectif.

L’animation :

SYNDEO : Nelly LECHAPLAIN

Accompagnement des organisations – facilitation de coopération – formation

https://www.cae35.coop/coopentrepreneurs/6641/syndeo

  1. Exploration des initiatives présentées :

CAE :  comment peut-on être entrepreneur et salarié ? Elan créateur est une SCOP (société coopérative ouvrière de production) et appartient à ses salariés. IL y a quelque chose de proche de l’entreprenariat quand on est salarié de Scoop.

Dans la CAE, les entrepreneurs le sont dans la dimension de prise d’initiative, de positionnement sur le marché (etc) mais ils viennent dans la coopérative pour la dimension collective et en même temps, ils sont salariés de la coopérative. Leur chiffre d’affaire leur permet d’assurer le statut de salarié. Et la CAE assure la gestion de la paie et des fonctions salariales.

Être salarié tout en étant indépendant permet de défendre un modèle social contributif. La CAE permet de trouver des solutions techniques à un projet politique.

Coopératives jeunesse : il s’agit d’éducation à un coopération. Ces coopératives permettent d’avoir une mixité des jeunes coopérants, jeunes en situation de décrochage comme jeunes diplômés, en territoire rural ou urbain et, dans ce cas, plutôt en quartier politique de la ville.

ESS cargo sur Territoire de Villejean est le fruit de plusieurs rencontres réalisées par une chargée de mission développement durable de l’université Rennes 2 suite à la commande de Rennes métropole pour créer une ressourcerie étudiante. Le projet étant viable, elle a décidé d’accompagner son développement. Elle a rencontré la direction de quartier du Nord qui lui a dit qu’il manquait un espace de ressourcement pour les habitants. L’idée a surgi de créer un lieu croisant différents publics.

L’entreprenariat coopératif (exemple de l’établi des mots) permet de co construire un projet collectif inscrit sur un territoire. Cet entreprenariat part d’un désir et d’un collectif.

Q/R

Tous les entrepreneurs sont des professionnels et il n’y a pas de condition d’un marché mais idée de se projeter dans l’entreprise. Mais il n’y a pas de critère autre permettant d’entrer dans la CAE. Au démarrage, ils ne sont pas salariés ; le projet est testé et ils deviennent salariés au fur et à mesure que du salaire rentre.

Le portage salarial concerne des entreprises classiques. L’entreprise n’appartient pas au salarié contrairement à la CAE.

La coopération : les entrepreneurs travaillent ensemble, en collectif. Il n’y a pas de concurrence. IL y a du chiffre d’affaire ensemble et du partage d’outils, de marchés. Il y a des groupes de travail, des commissions non imposées.

  1. Le sens des projets et en quoi ils sont vecteurs de transformation sociale

Hypothèse qu’on peut s’émanciper par l’économie.

Lien éducation populaire et coopérative éducation à l’entreprenariat coopératif : Les jeunes peuvent s’ouvrir à la vie collective, la prise de parole, encouragement à mise en place de technique de règlement des désaccords.

L’éducation populaire est présente dans les méthodes, dans le projet politique avec l’idée d’acquérir des compétences permettant d’être acteur de sa vie. La question de l’émancipation et du pouvoir d’agir est première. Une façon de l’augmenter est d’acquérir du savoir expérientiel, mais aussi d’être dans une gouvernance démocratique.

La double qualité dans une coopérative : être associé de la coopérative qui est une société anonyme avec une forme de gouvernance obligatoire : un Conseil d’administration et un PDG. Mais la spécificité de la Scoop SA est que le capital appartient aux salariés : on est donc propriétaire collectivement de notre entreprise, on est associés.

Cette double qualité se joue dans les décisions. Les salariés ont des outils de compréhension de la marche de l’entreprise. L’émancipation passe par cette compréhension permettant de prendre des décisions. C’est une démarche demandant du temps, des formations.

ESS cargo = lieu d’accueil des initiatives des habitants qui deviennent acteurs de leur territoire. L’association est construite avec plusieurs collectifs.

  • un pilier répondant aux besoins du territoire en allant vers les habitants et les étudiants pour capter les besoins.
  • un pilier visant à accueillir les initiatives car certains habitants ne se sentent pas légitimes pour pousser les portes nécessaires à la mise en place de projets.

Les Scic (sociétés coopératives d’intérêt collectif) permettent d’inventer une nouvelle forme de rapport au travail. La Scic permet de lier la production, la consommation sur un territoire, d’avoir un multi partenariat. Elle participe à un projet de transformation sociale à travers sa gouvernance, les ateliers, la pédagogie, l’éducation à comprendre comment une entreprise fonctionne.

Q/R :

Différence entre SCIC et SCOOP ?

Statut de la société commerciale : SA, SARL, SAS selon le nombre de salariés.

Sur ces statuts, on peut être une Scop, Scic.

Scoop = les salariés sont majoritairement détenteurs des droits de vote et du capital

SCIC = 3 collèges obligatoires dont aucun n’a la majorité en terme de droit de vote. (Pas en terme de capital).

Une scop ou une scic se situent dans le cadre d’une révision coopérative qui vérifie la dimension coopérative. L’AG est le lieu du pouvoir.

Avenir des jeunes après le passage en coopératives de jeunes ?

Il peut y avoir de l’entreprenariat individuel, très peu d’entreprenariat collectif, davantage de connaissance du secteur. IL peut y avoir des changements de trajectoire de formation. Il peut y avoir des formes d’engagements mais aussi des changements des modes de consommation.

  1. Le lien au territoire :

En coopérative jeunesse, le comité local regroupe des personnes issues d’institutions diverses. Et le projet vient décloisonner leurs regards portés les uns sur les autres.

Les Scop et les scic ne sont pas délocalisables. Elles sont locales de fait. Il est impossible de les transporter ; il y a une dimension territoriale dans le projet politique.

En conclusion, ces diverses expériences montrent une diversité dans les approches et les statuts mais aussi des points communs avec des modes de gouvernance, d’interaction, de liens sur les territoires. Elles sont sources de beaucoup de coopération, de réciprocité, de valeurs communes et montrent que la question de l’inscription territoriale est porteuse de richesses.

Ont été également associés à ce séminaire :

BOTTEGA MATTI : 36 boulevard Charles Péguy

Une Bottega c’est à la fois un atelier et une boutique, un lieu de vie, créateur de lien et de mixité sociale, une façon de décloisonner le rapport au handicap et de faire rayonner la culture italienne sur le territoire. Sur une durée de 2 ou 3 ans, des jeunes TSA sont formés aux métiers de la restauration et de la vente sur la base d’un projet professionnel individualisé élaboré par un comportementaliste avec la participation du jeune et de sa famille, ainsi que l’ensemble des personnes de l’établissement Au terme de ce parcours, il recevra une reconnaissance de compétences et se verra accompagné par l’association dans sa recherche d’emploi en créant des passerelles vers les autres entreprises.

https://bottegamathi.com/bistrot-italien-rennes/

L’ETABLI des MOTS :

L’Établi des mots porte sur le quartier du Blosne à Rennes, en rénovation urbaine, un projet culturel, éducatif et de l’économie sociale et solidaire (ESS). Ces trois axes sont complémentaires, indissociables et portés par des principes collectifs qui forment la véritable boussole du projet : se développer en partenariat et en complémentarité des initiatives et activités culturelles existantes, et favoriser la coopération, la participation et l’engagement de tous, selon les principes de l’éducation populaire et de l’ESS .

https://www.letablidesmots.coop/

La GRENOUILLE à GRANDE BOUCHE :

8 place Torigné

La Grenouille à Grande Bouche c’est le restaurant participatif de Rennes et aussi une revue qui à pour ambition de raconter la société à travers ce que l’on mange.

https://www.lagrenouille.bzh/

L’ATYPIK : Un café culturel, un espace de rencontre(s), un lieu de promotion et de mise en valeur du travail de créations d’artistes, un véritable « lieu de l’être ensemble », un lieu hétéroclite où chacun a sa place.

http://latypik.fr/contact/

Merci à tous les acteurs de ce séminaire.